Objectif Mont Blanc ! Ascension 2021
Et si le sport et la montagne étaient une clé d’intégration pour cette jeunesse et l’espoir d’un avenir meilleur ?
Premiers réfugiés au sommet du Mont Blanc
Après six mois d’entraînement assidu à la randonnée et à l’alpinisme en compagne des équipes de YAMBI, Sikou, demandeur d’asile malien de 23 ans, Jomah Khan et Qambar, réfugiés afghans de 23 et 26 ans, sont devenus, le 23 septembre 2021, les premiers réfugiés à gravir le toit de l’Europe.
Des guides professionnels de haute montagne, nos ambassadeurs Marion Haerty (quadruple championne du monde de snowboard freeride) et Léo Slemett (champion du monde de ski free ride) ainsi que notre marraine Dr Christine Janin (première française à avoir gravi l’Everest) les ont accompagnés tout au long de cette aventure. Ils les ont aidés à se préparer physiquement et mentalement et Marion et Léo ont même été présents à leurs côtés jusqu’au sommet.
L’ascension
À travers ce défi sportif et la transmission des valeurs véhiculées par la haute montagne, telles que l’entraide, la persévérance, la résilience, l’écoute de l’autre et de son environnement, ce projet vise à :
- Aider les personnes réfugiées à surmonter l’épreuve de l’asile et à conforter leur estime de soi, leur confiance en eux, leur soif de réussite, leur désir de s’intégrer et d’être de nouveau acteurs de leur vie ;
- Aider à déconstruire les préjugés et mettre en avant les bénéfices de la collaboration, du vivre ensemble et de l’enrichissement culturel.
Cette aventure n’a pas été de tout repos. La météo capricieuse nous a contraint à annuler plusieurs entrainements en haute montagne ainsi qu’à reporter à fin septembre notre ascension initialement prévue le 22 juillet, sans aucune certitude que la météo sera plus clémente à ces nouvelles dates. Sikou, Qambar et Jomah Khan n’ont pas perdu espoir et ont cru en leur rêve jusqu’au bout. Le jour J, toute l’équipe a été récompensée de son courage et de son acharnement par des conditions météo exceptionnelles.
Pierre-Idris Mehdi, guide de haute montagne :
« L’aventure s’est déroulée à merveille avec les jeunes réfugiés de YAMBI. La météo était juste grandiose, très peu de vent, des températures très correctes et surtout, pas une seule chute de pierre dans le fameux couloir du Goûter. Départ 6h30 du refuge de Tête Rousse, tous les voyants étaient au vert cette fois-ci. Dès le début de l’ascension, les jeunes avaient des étoiles dans les yeux, avec comme seul objectif, arriver le plus vite possible au sommet pour accomplir ce magnifique projet. La préparation qu’ils ont effectuée depuis des mois s’est tout de suite ressentie. Ils étaient tous à l’aise sur tout les terrains que l’on a rencontrés au cours de la montée. Avec les crampons, sans les crampons, sur la neige, sur le caillou…C’était super cool de voir qu’ils s’étaient tous donnés les moyens de réussir. Après quelques pauses rapides, on a pu fouler le sommet du Mont-Blanc vers 12h45 sous les éclats de joies pour certains, sous les larmes de bonheur pour d’autres. Aujourd’hui, ils nous ont tous vendu du rêve pour nos prochaines années de guide. Ce Mont-Blanc ils le méritent à 200%. Cette réussite, j’espère qu’ils vont tous pouvoir la transposer dans leur vie de tous les jours. J’espère qu’ils se souviendront que le travail paye toujours et qu’ils sont tous capable de réussir et d’accomplir leurs rêves. J’ai hâte de les accompagner dans d’autres projets en haute montagne car certains avaient déjà de nouvelles étoiles dans les yeux en regardant le panorama depuis le toit des Alpes. Encore chapeau les champions ! »
Sikou :
« On l’a fait, on a réussi ! Avant, pour moi, l’ascension du Mont-Blanc, c’était un rêve et maintenant c’est fait. C’est un souvenir incroyable que je vais garder en mémoire pour toute ma vie. On a rencontré des difficultés pour réaliser cette aventure mais s’est accroché, on a tenu jusqu’au bout, maintenant c’est fait, c’est une immense fierté. Durant l’ascension, je n’arrêtais pas de me dire « on va y arriver, on va y arriver », je suis si fier. Lorsque je suis arrivé en haut, j’ai pensé à ma mère, je me suis dit qu’elle serait très fière de moi, j’étais très ému. Je l’avais prévenue mais je ne lui avais pas donné la date exacte pour ne pas qu’elle s’inquiète, elle aurait eu très peur sinon. J’étais tellement ému en haut, j’en ai pleuré. Pour moi, gravir cette ascension et brandir le drapeau du Mali, ça représente beaucoup…. Cette aventure me redonne beaucoup de courage pour la suite. Je n’oublierai jamais ce moment quand on est arrivée en haut tous ensemble, jamais, jamais. Yambi, c’est comme ma deuxième famille. Aujourd’hui, je me dis que malgré les difficultés, il faut toujours croire en ses rêves, avancer pas après pas et s’accrocher. »
Clélia Compas, fondatrice de YAMBI :
« C’était un moment d’échange et de partage inoubliable. Probablement l’un de ces moments de vie qui nous marquent à jamais. Quand on est arrivés en haut, on s’est jetés dans les bras des uns les autres. Sikou s’est mis à pleurer, ce qui nous a tous fait pleurer. Même les guides ont pleuré. C’était très fort. Il y a encore peu, c’était un rêve, maintenant, c’est un souvenir que nous allons chérir pendant longtemps. Et il est temps de penser à demain. D’aider d’autres jeunes à réaliser, eux aussi, leur rêve. »
Un documentaire collaboratif gardera la trace de cette aventure humaine et sportive. Il permettra de sensibiliser l’opinion publique à la cause des personnes réfugiées en exploitant la force du parallèle symbolique entre l’effort requis pour gravir le Mont Blanc et la difficulté du chemin vers l’intégration dans une société d’accueil.
Les participants
JOMAH KHAN, le rêveur
Originaire de Bamiyan, la capitale du Hazarajat en Afghanistan, Jomah Khan, 23 ans, est un montagnard né à 2500 mètres d’altitude. Il appartient à la troisième ethnie du pays, les Hazaras. Contrairement au reste des afghans, les Hazaras sont chiites, ce qui les oppose depuis toujours aux Pachtounes, le groupe majoritaire en Afghanistan, qui sont sunnites.
L’existence des Hazaras a toujours été très compliquée. Ils sont victimes d’enlèvements, de massacres et de persécutions. Malgré une amélioration de leur statut dans les années 1970, l’arrivée des talibans, puis plus tard de l’État islamique, et d’Al Qu’Aïda replonge l’ethnie dans l’horreur de la guerre.
Jomah Khan quitte Kaboul à 18 ans et passe trois ans et demi en Suède avant de se voir refuser le statut de réfugié politique. Craignant d’être rapatrié en Afghanistan, il arrive finalement en France où il espère cette fois-ci que le sort lui soit plus favorable.
Lorsque nous avons débuté les entrainements, Jomah Khan était encore demandeur d’asile et n’avait pas le droit de travailler. Le projet Mont Blanc était pour lui une façon de redonner un sens à sa vie, de sortir de sa solitude, et de retrouver confiance en lui et en l’avenir. En mai 2021, alors que nous étions en voiture pour rentrer d’un entrainement en montagne, Jomah Khan nous a demandé si nous pouvions nous arrêter au bureau de poste pour y récupérer une lettre recommandée. Dans cette lettre se trouvait sa délivrance. Après plus de deux ans d’attente en France et près de six ans après son départ d’Afghanistan, Jomah Khan obtient ENFIN son statut de réfugié politique l’autorisant à rester en France. L’équipe YAMBI avait la chance et le privilège d’être à ses côtés lorsqu’il a appris la nouvelle. Quel moment fort en émotions…
Maintenant que Jomah Khan a ses papiers de réfugié, il a le droit de travailler, de passer le permis de conduire, de louer un appartement… Toutes ces choses essentielles de la vie qui lui ont étés interdites pendant près de six ans. Il peut enfin envisager l’avenir et commencer à construire sa vie en France. Nous l’accompagnons dans cette nouvelle étape de son parcours. Nous l’avons notamment aidé à trouver son premier emploi en tant que serveur dans un restaurant d’Annecy, et nous lui finançons son permis de conduire afin qu’il puisse devenir autonome.
Jomah Khan est déterminé à s’intégrer en Haute-Savoie, cette région de France qu’il aime tant. Il a la détermination de ceux qui ont tout perdu et veulent tout reconstruire. Comme pour le suédois qu’il parle presque couramment aujourd’hui, il ne se promène jamais sans son carnet où il note chaque nouveau mot français qu’il entend. Se tenir sur le toit des Alpes, au sommet de son nouveau chez lui, était pour Jomah Khan une véritable revanche sur la vie. Il retient de cette aventure que tout est possible dans la vie et qu’il ne faut jamais arrêter de croire en ses rêves.
QAMBAR, le champion
Comme Jomah Khan, Qambar, 26 ans, est afghan et appartient à l’ethnie des Hazaras. Lui aussi a fui son pays, les talibans, l’État islamique, les persécutions. Timide et réservé, Qambar reste vague sur les épreuves douloureuses qu’il a traversées pour rejoindre la France en 2017. Après un passage à la Roche-Sur-Foron, Qambar emménage et réside à Annecy depuis 2 ans.
Sa demande de protection par l’État français ayant été acceptée, il enchaîne depuis les petits boulots. Forcé de quitter l’école à 8 ans pour aider sa famille, Qambar rêve de devenir coiffeur. Nous l’accompagnons dans les démarches afin de lui permettre de rattraper son retard scolaire et de pouvoir un jour accéder au CAP coiffure dont il rêve tant.
Le sport est son échappatoire, c’est ce qui lui permet d’évacuer, de surmonter les angoisses du quotidien. Il s’entraîne tous les jours avec détermination et persévérance. Courir pour échapper au passé, montrer qu’il est prêt pour une prochaine étape de sa vie. Courir pour n’être, aux yeux des promeneurs, qu’un homme comme les autres.
Aujourd’hui, Qambar a une vie plus posée et son propre appartement. Il est même considéré comme une « star » dans le petit milieu des réfugiés afghans d’Annecy grâce à ses exploits sportifs. Il participe notamment depuis 2018 à la Maxi Race, la Maxi Snow et la Sainte Lyon. Qambar court également régulièrement pour des œuvres de charités venant en aide aux personnes handicapées.
Ce sommet du Mont Blanc était pour Qambar un nouvel objectif sportif avec cette folle envie de courir pour vivre et d’être considéré comme les autres. Habituellement très réservé, il n’a pu contenir ses larmes de joie au sommet du Mont Blanc. Gravir le plus haut toit de l’Europe était pour Qambar une façon de se prouver que lui aussi était capable de grandes choses dans la vie.
SIKOU, le bosseur
À peine sorti de l’adolescence, Sikou, 23 ans, n’entrevoit d’autre option que de quitter son Mali natale pour échapper aux massacres communautaires qui se multiplient dans un contexte de guerre civile et de poussée de groupes armés islamistes. Originaire d’un petit village de la région de Kayes, zone frontalière du Sénégal et de la Mauritanie, il prend la route, seul, en direction du Maroc à travers le Sahara, laissant tout ce qui lui est familier derrière lui.
C’est alors qu’il tente sa chance sur les eaux de la mer Méditerranée, mur invisible où beaucoup d’autres laissent la vie dans l’espoir d’une vie meilleure. Victorieux de la traversée, il arrive à Paris en janvier 2019 où il dépose sa demande d’asile. Enfin, il est arrivé!
Mais les mois passent et Sikou ne reçoit aucune nouvelle de sa demande d’asile. Assisté par une association il quitte les campements insalubres et dangereux du nord-est parisien pour rejoindre Annecy, où il est hébergé dans le même foyer que son ami Jomah Khan.
Sikou attend… Cela fait deux ans maintenant qu’il attend. Malgré son désire et sa motivation sans faille, Sikou ne dispose pas de l’autorisation de travailler légalement sur le sol français. Cette inactivité forcée lui est très dure à vivre. « Ce n’est pas normal d’avoir 23 ans et de ne pas travailler », nous confie-t-il. Pour vaincre l’ennuie Sikou s’engage partout où il peut. Un jour bénévole dans une association de cinéma mobile, le lendemain dans une paroisse d’Annecy pour aider à préparer la messe et faire le ménage. Ayant une maitrise parfaite du français, il n’hésite pas à aider ses camarades du foyer dans la gestion de leurs tâches administratives. Il participe également à des sessions de sensibilisation à la cause des personnes réfugiées dans des lycées professionnels.
Sikou souhaite démarrer au plus vite une activée professionnelle en tant que maçon ou électricien. La montagne est sa soupape de décompression, lui permettant de s’évader et d’oublier ses problèmes le temps d’un instant.
Le projet Mont Blanc lui a permis de sortir de sa solitude et de retrouver une raison de se lever le matin. Chaque jour il nous écrivait pour nous demander qu’on aille s’entrainer. Nous l’avons inscrit à la salle de sport où il passa jusqu’à 3h par jour dans les semaines précédant l’ascension. Lorsque nous lui demandons ce que représente le projet Mont Blanc pour lui, il nous répond souvent que cela représente « tout », que ce projet l’a « sauvé », et que YAMBI est devenu sa « deuxième famille ». Nous espérons à présent que Sikou obtiendra son statut de réfugié et qu’il sera autorisé à rester sur le territoire francais. Une chose est sûre, nous l’accompagnerons jusqu’au bout, car c’est cela être une famille…