Objectif Mont Blanc ! Ascension 2022
L’ascension
Le Mont-Blanc. Un symbole pour une multitude de conquêtes ; pour certains un exploit sportif, pour d’autres un objectif à cocher dans sa « to do list » ; pour d’autres encore, une revanche sur la vie, après avoir dû quitter son pays et traverser les difficultés de l’exil et du parcours de l’asile.
Pour Adam, Rahimullah et Abdi Wali, gravir ce sommet était un rêve. Ils savaient que Sikou, Jomah Khan et Qambar avaient accomplis cet exploit l’an passé en devenant grâce à l’aide de YAMBI les premiers réfugiés au monde au sommet du Mont Blanc et voulaient à leur tour se confronter à cette montagne mythique. Mais ce projet était pour eux bien plus qu’un simple défi sportif. Cette ascension, c’était pour Abdi Wali, Adam et Rahimullah l’occasion de reprendre le contrôle de leur vie. Venant de Somalie, du Soudan ou d’Afghanistan, tous 3 ont dû laisser derrière eux tout ce qui leur était familier pour venir trouver refuge en France. Une nouvelle vie pas toujours simple à construire. De longues démarches administratives, la difficulté d’apprendre une nouvelle langue, de trouver du travail, ou même de se faire des amis… Ce Mont Blanc, c’est le leur. Après avoir dû traverser de nombreuses difficultés qui se sont imposées à eux dans la vie, ce défi, c’est eux qui l’ont choisi. Ils ont la niaque, l’envie d’avancer, de s’intégrer, de vivre, tout simplement.
Accompagnés de bénévoles et guides de haute montagne diplômés, Adam, Rahimullah et Abdi Wali ont eu 6 mois pour se préparer à la haute montagne et prendre conscience de ses risques. S’ils étaient physiquement et mentalement prêts pour relever le défis, la météo capricieuse (-15*C en température réelle, -30*C en température ressentie, et des rafales de vent allant jusqu’à 90km/h) le jour de l’ascension les ont contraint à faire demi-tour à Vallot pour des raisons de sécurité.
Le groupe était forcément un peu déçu mais ce n’est pas grave, nous ont dit Rahimullah, Abdi Wali et Adam. Chacun a compris la nécessité de rebrousser chemin et l’ascension réalisée est déjà un bel exploit. Ils ne sont pas allés au Mont Blanc pour se mettre en danger. Le danger, ils l’ont suffisamment connu. Leur Mont Blanc, ils l’ont vécu jusqu’au bout, même si pas jusqu’en haut. L’objectif pour eux était de se dépasser, de se prouver qu’ils étaient capables et qu’ils avaient de la valeur. En les confrontant à leurs limites, le Mont Blanc et sa météo capricieuse les ont fait rêver. Car ce qui compte, comme on dit, c’est le voyage, pas l’arrivée.
Les participants
Rahimullah, le Fonceur, qui a pris conscience de l’importance de maîtriser ses mouvements, de la progression dans l’effort et du respect des consignes et des conseils des encadrants et des guides.
Signe distinctif : lance très souvent sa phrase favorite en montagne : « Ça fait du bien hein ?! »
Adam, la Joie de vivre, qui malgré les difficultés a toujours gardé le sourire, son humour et a fait preuve de sérieux et de concentration lorsqu’il le fallait.
Signe distinctif : ne dira jamais qu’il n’a pas compris ce que tu viens de lui expliquer
Abdi Wali, le Curieux, qui a su maîtriser ses blocages et ses peurs en persévérant et sans jamais ne se plaindre ni même penser à renoncer.
Signe distinctif : ne transpire pas, ne bois pas, ne mange pas… comment fait-il ? Qu’a-t-il de plus que nous ?
Le bilan
De cette expérience, qu’en retirent Adam, Rahimullah et Abdi Wali ?
Un grand sentiment d’accomplissement et une plus grande estime de soi.
Quand nous avons rencontré Rahimullah, Adam et Abdi Wali, tous 3 étaient en France depuis moins d’un an. Qu’ils viennent d’Afghanistan, du Soudan ou de Somalie, tous les 3 sont venus à pied jusqu’en France. On vous laisse imaginer le nombre de kilomètres qu’ils se sont enfilés… Mais s’ils avaient déjà l’habitude de marcher (bien plus que nous) avant d’arriver en Haute-Savoie et de nous rencontrer, ils n’avaient pourtant pas l’habitude de marcher « pour le plaisir ». La d’où ils viennent, on marche pour se rendre quelque part, point.
A travers nos sorties en montagne et le projet Mont Blanc, Adam, Abdi Wali et Rahimullah se sont découvert une passion pour un sport qui leur était jusque-là inconnu. Ils nous répètent souvent tout le bien que ces journées de marche leur font. Ce n’est plus la destination qui compte mais le voyage en soit. Et quel soulagement pour eux. Ces moments d’évasion leurs permettent de s’oublier le temps d’un instant. D’oublier ce qu’ils ont perdu. D’oublier ce qu’ils doivent reconstruire. Ils marchent pour eux, sans autre objectif que de se faire du bien.
De ce Mont Blanc, ils ont conservé leur routine d’entraînements et leur goût pour les sorties en montagne. Abdi Wali, particulièrement, garde un souvenir très fort de cette aventure et des liens tissés avec « son équipe ». Ce projet leur a prouvé qu’ils ne valaient pas moins que les autres, qu’ils étaient des personnes avant d’être des réfugiés et qu’eux aussi pouvaient accomplir de grandes choses dans la vie.
Des liens forts tissés avec les accompagnants et les guides de haute montagne.
Pour gravir le Mont Blanc en toute sécurité, il faut être encordé avec d’autres personnes. Cette corde est plus qu’un simple accessoire. C’est une véritable ligne de vie entre des personnes qui doivent pouvoir se faire confiance, se soutenir, s’assister, et se protéger les uns les autres. On ne peut briser une cordée. Soit tout le monde arrive en haut, soit tout le monde fait demi-tour.
L’intégration des personnes exilées dans leur société d’accueil, c’est comme une cordée. Les nouveaux arrivants comme la population locale doivent pouvoir se faire confiance, se soutenir, s’assister, et se protéger les uns les autres. Adam, Rahimullah et Abdi Wali viennent de loin. Ils ont laissé presque tout ce qu’ils connaissaient et tous ceux qu’ils aimaient au pays, que ce soit au Soudan, en Afghanistan, ou en Somalie. En France, dans nos belles montagnes qui sont maintenant également devenues les leurs, ils ont du tout reconstruire, en commençant par des relations de confiance.
Quand nous les avons rencontrés, Adam, Rahimullah et Abdi Wali étaient timides (bon ok, pas Rahim !). Nous avons dû nous apprivoiser les uns les autres pour apprendre à nous connaître et à vivre ensemble. Nous avons dû tisser des liens, de plus en plus forts, jusqu’à devenir une cordée.
Quand nous avons rencontrés Abdi Wali en particulier, il ne parlait pas un mot de français et ne connaissait aucun local. Après quelques sorties en montagne à nos côtés l’hiver dernier, il a exprimé sa frustration de ne pouvoir davantage communiquer avec nous. C’est ce désir de lien social avec nous qui l’a motivé à s’inscrire à des cours de français. Aujourd’hui, il participe de façon très assidue aux cours de français que donne notre super professeur Nacima. Parce qu’au final, l’intégration, c’est comme une cordée. Soit on y va tous ensemble, soit ça ne marche pas.
Une boite à outil
Une ascension comme le Mont Blanc, ça se prépare. Il faut l’entraînement physique et mental mais aussi le bon équipement. L’intégration dans une nouvelle société aussi, ça se prépare. Une personne réfugiée qui souhaite s’intégrer ne pourra réellement le faire que si la société d’accueil le lui permet, et la société d’accueil ne pourra réellement intégrer une personne réfugiée que si cette personne le souhaite et travaille pour.
Comme le Mont Blanc, l’intégration a sa propre boîte à outils. Sur la check-list nous trouvons les démarches administratives, l’apprentissage de la langue, la recherche d’un emploi, d’un appartement, la création de liens sociaux… Toutes ces étapes ne sont réalisables que si nous, la société d’accueil, aidons les personnes réfugiées à trouver les bonnes clés pour ouvrir les bonnes portes.
Adam, Abdi Wali et Rahimullah ont leurs yeux constamment rivés sur leur check-list de l’intégration. Leur rêve ? Pouvoir vivre comme tout le monde, ni plus, ni moins. En attendant qu’ils complètent leur boîte à outils de l’intégration, nos supers guides de haute montagne les ont aidés à compléter celle qui leur fallait pour gravir le Mont Blanc. Mais, finalement, si on y réfléchit bien, en remplissant cette seconde boîte à outils, ne les ont-ils pas en même temps aider à remplir la première ?
Une belle aventure humaine et sportive rendue possible grâce à la contribution des partenaires de YAMBI, soit Fusalp, Salomon, Concept Pro Chamonix, Julbo, TSL Outdoors, et l’auberge Hi La Clusaz.